(Photo Lunga Siyo, de l’organisation Legal Resource Centre, et Mandisa Shandu, de l’organisation et clinique juridique Ndifuna Ukwazi)
Je suis une jeune femme africaine, noire, et je travaille dans le secteur de l’intérêt public. Voici ce que cela signifie:
Ça veut dire que certain-e-s d’entre nous sommes des diplômé-e-s de première génération. Nous travaillons donc avec une pression supplémentaire : celle de gagner notre vie pour subvenir aux besoins financiers de nos familles respectives.
Ça veut dire que nous ne gagnons parfois pas assez pour subvenir à nos propres besoins, ni à ceux de nos familles. Résultat ? Une part si importante d’avocat-e-s africain-e-s noir-e-s finissent par abandonner le secteur de l’intérêt public pour reprendre un travail qui ne les passionne pas, mais qui garantira une rentrée d’argent suffisante par mois pour leur permettre de tenir leurs obligations.
Ça veut dire que nous travaillons dans un secteur qui n’a pas suffisamment progressé : les organisations comptent des avocat-e-s africain-e-s noir-e-s mais ils et elles n’occupent pas des postes à haute responsabilité.
Ça veut dire qu’il est grand temps d’avoir des politiques, d’instruction notamment, pour engager la responsabilité des organisations sur leurs pratiques d’attribution des affaires, en particulier si elles n’en confient pas aux avocat-e-s noir-e-s.
Ça veut dire qu’il faut encourager la création d’entités telles que le groupe Black Workers Forum (groupe militant de soutien aux travailleur-euse-s noir-e-s) pour contrôler les organisations dans la conduite du changement.
Ça veut dire qu’il existe cette idée que les jeunes avocat-e-s noir-e-s ne sont pas capables de gérer des affaires compliquées, ou des affaires relevant de domaines juridiques spécialisés.
Ça veut dire que d’autres avocat-e-s africain-e-s noir-e-s risquent de perdre leur travail en confiant des affaires à des avocat-e-s noir-e-s qui « n’ont pas d’expérience et ne savent pas s’engager sur des affaires à titre bénévole. »
Et sur le fait d’être non seulement africaine et noire, mais aussi une femme, ça veut dire que nos confrères masculins ont plus de crédibilité que nous et qu’il y a des client-e-s qui préfèrent que leur affaire soit entre les mains d’un avocat masculin.
Mais n’oublions pas la beauté que cela représente d’être des avocat-e-s africain-e-s et noir-e-s
Étant des défenseur-euse-s de l’intérêt public, la majorité de nos client-e-s sont des Africain-e-s noir-e-s, ce qui veut dire que la majeure partie du travail que nous menons est en faveur de notre propre peuple et pour l’amélioration du bien-être de celui-ci.
Nous parlons plusieurs langues et sommes ainsi capables de communiquer avec nos client-e-s dans leur propre langue. Nous comprenons leurs cultures et traditions.
Nous sommes un point de référence pour ces client-e-s. Je ne compte plus les fois où, lorsque je plaide au tribunal en tant qu’élève-avocate, les membres du public m’abordent pour me demander où se trouve telle ou telle salle du tribunal, ou comment compléter un formulaire de plainte pour violences conjugales. Notre peau noire signifie que nous comprenons mieux.
Nous, enfants africain-e-s, grandissons avec le principe que tout aîné est comme une mère, un père, ou un grand-parent. Au quotidien, pendant chaque atelier ou consultation communautaire auquel je participe, je me consacre au bien-être des plus âgé-e-s, assurant notamment qu’ils et elles peuvent se déplacer facilement. Mon travail en tant qu’avocate noire s’accompagne donc d’une dimension personnelle.
Ainsi, être avocate et noire implique en effet de nombreux obstacles. Mais malgré tout, nous accomplissons notre travail et nous comprenons et établissons une connexion avec nos client-e-s.
Sindisiwe Mfeka – Boursière Bertha Justice 2017
La Rencontre Bertha est assurée chaque année par la fondation « Bertha Foundation ». Nous tenons à remercier les équipes de la Fondation pour leur soutien à la nouvelle génération d’avocat-e-s défenseur-euse-s des droits humains. Plus d’informations (en anglais) sur la fondation « Bertha Foundation » ici : http://berthafoundation.org/